Mais que veulent-ils donc ?

Dans les rues, sur presque tous les continents, s’exprime de façon plus ou moins pacifiste une revendication de plus grande participation à la vie de nos sociétés et une aspiration à plus d’équité, voire de fraternité. Cette demande sociale et politique passe souvent par une action collective à laquelle les individus prennent plaisir, tout en y trouvant motivation et énergie.Dans les entreprises se manifeste un besoin de renouer avec le sens du travail et de rompre avec le sentiment d’isolement produit par la recherche continue de plus grande performance individuelle, qui rend chacun plus ou moins confusément concurrent de ses pairs, ceux-là même qu’on appelait jadis «les collègues de travail». Les «collectifs de travail» (terme qui sonne tout à coup très désuet), quant à eux, sont de moins en moins naturellement solidaires, et la plupart des missions de coachings d’équipes que j’ai menées ces dernières années étaient déclenchées par un constat amer des dirigeants: «on ne sait plus travailler en-semble!» Mais comment diable faisait-on avant ?

La raréfaction de la coopération effective

Car cela parait incroyable, avec tous les outils à vocation collaborative dont nous disposons : les dossiers partagés, les portables, les WhatsApps, les open-spaces, les conf-calls, les innombrables réunions, les Slack, et j’en passe… Aussi bien équipées soient-elles, les organisations semblent trop souvent paralysées par le (dys-)fonctionnement en silos et déboussolées par les reportings de plus en plus sophistiqués demandés par les sièges. Pas beaucoup de coopération en vue, dans ces tâches-là ! Et pour les sujets sur lesquels seule cette dernière permettrait la créativité nécessaire pour sortir de l’ornière, bien des entreprises tournent en rond, au point de ne plus savoir par quel bout prendre les choses…

Bref, sur tous les fronts, je perçois un manque criant de coopération et un fort désarroi sur la façon de la réactiver. Pourtant, la coopération, est avant tout un état d’esprit. Et, partout où j’interviens, les clients sont étonnés de l’extrême simplicité des concepts, outils et techniques à mobiliser pour que l’étincelle de l’intelligence collective jaillisse, à partir du frottement non conflictuel (car organisé) des intelligences individuelles…

Les bases de la recette de la coopération

Les ingrédients incontournables

  • Une commande claire du dirigeant : j’attends de vous des propositions nouvelles.
  • Un objectif commun, vraiment transversal (en plus ou à la place des objectifs individuels que vous vous êtes probable-ment échinés à mettre en place ces dix dernières années) et si possible relatif à un véritable enjeu mobilisateur,
  • Une échéance suffisamment rapprochée,
  • Un dispositif par petits groupes,
  • Des travaux entre pairs (niveaux hiérarchiques homogènes) car mélanger les niveaux hiérarchiques assèche la créativité, via les jeux d’acteurs et les enjeux de place que cela active.

La réalisation

  • Définir des règles du jeu et les faire respecter par tous : parité, diversité, créativité, bienveillance,
  • Structurer et animer (mettre en place des processus tels inclusion, réflexion individuelle préalable sur tous les sujets, tour de table complet, discussions, prise de note exhaustive, bouclage et déclusion),
  • Consolider/articuler les productions des différents groupes.
  • (NB : Charger quelqu’un de l’animation et une autre personne du rôle de scribe peut démultiplier l’efficacité du collectif !)

La dégustation

  • Il s’agit alors de prendre connaissance des suggestions, et…
  • … d’en tenir compte, en mettant en place immédiatement au moins une des propositions qui ont été formulées. (Cela donnera un signal fort pour la suite.)

Faire vivre l’esprit de coopération au quotidien : une nouvelle forme de leadership

Alors que 2020 se profile, il semble de plus en plus évident que le type de leadership requis dans les contextes instables et déconcertants, que nous vivons de façon presque continue, est tout à fait différent de celui qui prévalait encore de façon triomphale à la fin du XXème siècle : descendant, autoritaire, technique, distant et froid.

De nos jours, la compétence des «leaders» (mais cette appellation est-il encore pertinente ?) s’atteste autour de quelques points-clés :

  • Formuler l’ambition et mobiliser ses équipes autour de défis inspirants,
  • Repérer, recruter et fidéliser les talents individuels,
  • Créer et soutenir une dynamique génératrice de performance collective,
  • Questionner, écouter, débattre, puis arbitrer/trancher et mettre en œuvre,
  • Etre ouvert, communiquant et pédagogue,
  • Soutenir le développement de ses collaborateurs,
  • Etre en permanence en quête de développement pour soi-même.

Bref, le/la dirigeant-e du XXIème siècle se doit de devenir un inspirateur, fédérateur d’énergies et catalyseur d’envies, doué-e pour l’animation et la régulation des groupes humains, et féru-e de coopération. Cela compte presque plus que la feuille de route, dans un monde VUCA !

Valérie PASCAL