La période que nous traversons a un très fort impact émotionnel sur nous tous. Nous en sommes plus ou moins conscients selon l’habitude que nous avons de porter attention à nos émotions et à la façon dont elles nous affectent/impactent.
Les émotions les plus manifestes durant cette crise sanitaire, cela a été beaucoup souligné, sont sans doute la PEUR (de la maladie et de ses conséquences économiques et sociales, par exemple) et la COLÈRE (contre les limitations de nos libertés et les contraintes qui nous sont imposées, par exemple).
Mais il me semble que le DÉGOÛT est également très présent de nos jours et qu’il fait pourtant l’objet d’une moindre attention.
Voyons donc de plus près ce que recouvre ou découvre le dégoût et comment nous pouvons composer utilement avec lui.

Qu’est-ce que le dégoût ?

C’est une des 6 émotions primaires, universelles. Voici la définition qu’en donne le Larousse :

  • Sensation d’écœurement, haut-le-cœur provoquée par quelque chose qui dégoûte : « À la vue de cette surabondance de crème, elle fut prise de dégoût. »
  • Sentiment d’aversion, de répulsion, provoqué par quelqu’un, quelque chose ; fait d’être dégoûté, de ne plus avoir de goût pour quelque chose, d’intérêt, d’attachement ou d’estime pour quelqu’un : « Son dégoût de la lecture date de l’école primaire. »

Le périmètre

Nous le voyons, le dégoût concerne deux territoires bien distincts :

  • Le domaine alimentaire (lié au goût et à l’odorat),
  • Le domaine psychologique, voire idéologique.

Dans les deux cas, il vient signaler une alarme par rapport au risque de franchissement d’une limite supposée dangereuse :

  • Ingérer un aliment avarié pourrait me rendre malade. Je m’y refuse par peur d’être intoxiquée. Je protège ma santé physique, en éloignant cet aliment de moi.
  • Adopter ou valider un comportement que je réprouve moralement (en lien avec mes valeurs et mes croyances) pourrait me faire perdre mon sentiment d’intégrité psychologique et ontologique. Je m’y refuse et prends des distances avec ceux qui adoptent ce comportement, que je rejette.

La manifestation physique

Dans les deux champs, la réaction physique est d’ordre viscéral : un haut le cœur, voire un spasme.

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Le dégoût, pour moiLe dégoût, pour vous
Pour ma part, il est activé par la pensée suivante :
Ceux qui nous gouvernent n’ont pas fait ce qu’il fallait en amont et continuent à ne pas bien gérer la situation aujourd’hui, sans prendre suffisamment en compte les effets des mesures qu’ils nous imposent.
(C’est toujours agréable de reporter la faute sur autrui !)  
 Eprouvez-vous du dégoût ?
A propos de quoi ?
Quelles sont les situations actuelles qui provoquent cet écœurement ?  
Pour passer du général au particulier…

Faire face au dégoût 

Comment ne pas rester immobilisé.e et plombé.e par cette émotion ? Comment capter l’énergie qu’elle contient pour l’orienter vers une action, une mise en mouvement positive ?

Commencer par accueillir

Comme avec toutes les émotions, il s’agit d’abord d’admettre que cette émotion est présente et de l’accueillir.

  • Mais, franchement, notons que lui dire « Bienvenue !» de façon sincère et ouverte n’est pas facile car il s’agit d’une émotion négative, désagréable à vivre.
  • Il faut vraiment suspendre notre jugement et accepter de prendre le temps de la considérer pour percevoir en quoi elle peut (aussi) être utile pour nous.

Poursuivre en interrogeant

Puis, une fois la vague d’émotion redescendue, il peut être fructueux de se demander ce qui l’a provoquée : quelles valeurs et quelles croyances fondamentales ont été heurtées ?

  • « Quel message portes-tu ? »

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Le dégoût, pour moiLe dégoût, pour vous
En ce qui me concerne, voilà ce que ça donne :
J’ai la croyance un peu illusoire que les élus de la République en particulier et les dirigeants en général doivent chercher à tout moment à prendre les meilleures décisions dans l’intérêt général et toujours anticiper dans cette perspective.
Les valeurs impliquées sont : intégrité, abnégation, responsabilité, intérêt général.
De façon plus profonde, cela vient donc affecter ma capacité à faire confiance à autrui.
Les deux émotions connexes qui peuvent être activées pour moi, dans la foulée du dégoût, sont la tristesse et la colère.  
« Quelle est votre alarme ? »
Lesquelles de vos valeurs sont heurtées par tel ou tel comportement ?
Lesquelles de vos croyances sont malmenées par une situation que vous vivez ?  
Pour passer du général au particulier…

Discuter

A ce stade, il s’agit de faire une analyse « raisonnée » de l’écart entre la situation-stimulus et nos normes internes afin de distinguer entre deux composantes de notre dégoût :

  • Qu’est-ce qui s’avère personnel dans ma façon de réagir et me renseigne sur moi sans avoir vocation à être partagé avec d’autres ? Je dois alors me livrer à un travail intérieur pour canaliser et apaiser cette émotion.
  • Qu’est-ce qui me semble philosophiquement « juste » dans ma révulsion ? Je peux alors envisager de transformer mon émotion en action.

Embrayer sur l’action et porter haut ses couleurs

Si, après cet examen, mon dégoût me semble moralement fondé, il peut constituer un tremplin vers l’action.

  • Comment l’exprimer, le faire reconnaître, voire comprendre par autrui ?
  • Comment m’appuyer sur mes valeurs pour imaginer d’abord, puis proposer/ propager des façons de faire qui me semblent meilleures afin d’initier un changement ?
  • Comment m’aligner encore mieux, moi-même, par rapport à la valeur que j’ai identifiée à l’occasion de la manifestation de dégoût ?

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Le dégoût, pour moiLe dégoût, pour vous
En ce qui me concerne, voilà ce que ça donne :
Du point de vue intrapsychique :
Cesser d’attendre que les dirigeants soient des « bons parents », protecteurs, nourriciers, justes, bienveillants, mais surtout … tout-puissants !
Admettre qu’ils sont humains et donc, comme moi, imparfaits et vulnérables…
Du point de vue philosophique :
Que puis-je faire, à mon niveau, pour honorer et propager l’importance que j’accorde à la notion d’intérêt général ?
Comment adopter des comportements moins court-termistes et intégrer la notion de responsabilité différée dans tout ce que je fais, tant au niveau professionnel qu’au niveau personnel ?
Quelle part de votre dégoût est l’indicateur d’un enjeu intrapsychique que c’est l’occasion d’aller regarder de plus près ?
Quelle part de votre dégoût est « juste et bonne », fondée éthiquement et valable pour vous mais aussi pour d’autres ?
Pour passer du général au particulier…

C’est seulement en prenant le temps de cette pause réflexive que nous pouvons accéder à l’aspect positif de cette lourde émotion : la montée en énergie et la mise en mouvement, au service d’une ambition valide (notre étendard, nos couleurs).

Et, il me semble que c’est un des processus sains et positifs activés par cette crise sanitaire hors-normes.

Prenez soin de vous et des autres. Et bonnes explorations !