Comme toute chose dans la vie, notre activité est soumise à la loi de l’impermanence. Elle subit des cycles et alterne de façon plus ou moins régulière entre périodes de réussite/croissance et périodes ralenties, où les tâches se font moins nombreuses, et l’agenda se relâche, se détend… mais pas forcément son propriétaire !

Peu d’entre nous échappent à cette loi, surtout parmi ceux qui sont à leur compte et ne complètent pas leurs missions de coaching au moyen d’activités plus récurrentes et planifiables (formation, recrutement, outplacement, etc.)

Découvrant cette réalité, les jeunes coachs peuvent en être ébranlés; et les moins jeunes se laisser rattraper par de vieux démons avec lesquels ils croyaient en avoir fini ! («On ne m’y reprendra plus !»)

Avec le temps, j’en suis venue à considérer que savoir vivre ce cycle économique, en traverser toutes les phases sans être déstabilisé, s’avérer capable de composer avec les creux comme avec les pics, constitue presque une compétence-clé pour tenir dans ce métier sur le long terme, pour l’exercer pleinement, en dépit (voire à la faveur) de ses vides…

Ce que le cycle peut nous faire éprouver

Je suis la première à préférer (et de loin !) les périodes d’activité soutenue, alors même que j’éprouve de façon très nette les inconvénients et les risques qui leur sont inhérents.

En effet, les périodes de surchauffe malmènent ma préférence Introversion, et je souffre de ne pas disposer d’assez de temps pour moi, et peut-être plus encore à la seule perspective de ne pas en disposer assez !

Mais les missions, le «succès», ont un effet grisant sur mon narcissisme, me donnent du baume au cœur. Cela ne vous est probablement jamais arrivé à vous, mais mon Ego se saisit même parfois de l’activité comme d’un baromètre de ma valeur personnelle, qui mesurerait le niveau de mon talent et de mes qualités. Il voit dans le nombre des missions un juste feed-back de l’univers. Et, est-il nécessaire de l’ajouter ?, il se plait, se complait même, à cette sensation enfantine.

Mais quand le vent tourne, que les commandes se font plus rares, sans que je comprenne pourquoi le vide succède au plein, mon Ego, percuté de plein fouet, s’alarme et s’aigrit : quel motif à ces oublis ? A quoi attribuer si peu de reconnaissance ? Et une question l’obsède : ai-je perdu de ma valeur, tel un titre de bourse soudain emporté par un crack financier ?

Pourtant, que cela me semble juste ou pas, me plaise ou non, il faut faire avec ces retournements de cycle… puisque cela est ! Alors, comment vivre et traverser les périodes creuses le plus sereinement, voire avantageusement, possible ?

Bestiaire_1

Pistes en forme de bestiaire

Être Fourmi, dans les pics…

La fourmi, du moins celle de la fable, n’aime pas se laisser surprendre : elle anticipe. Constituer, au fil des mois et des années, une trésorerie suffisante pour ne pas avoir de réels soucis économiques au moment où «vient la bise» semble incontournable.

En effet, il sera suffisamment pénible de s’inquiéter pour des raisons subjectives ; nul besoin d’y rajouter un tourment objectif ! Dans le même ordre d’idée, il est utile de définir le seuil minimum de rémunération dont nous avons réellement besoin (exercice qui peut d’ailleurs conduire à bien des surprises, pour ne pas dire des bénéfices !)

Être Poisson, tous les jours…

Le poisson sait la mer tour à tour calme et agitée, parfois même soulevée de tempêtes. Mais il ne relie pas ces phénomènes à son action, et encore moins à son identité. (Ne me demandez pas comment je le sais : faites confiance à la métaphore !). Il nous invite à différencier notre être social de notre être intime: «Je ne suis pas ce que je fais/gagne». Ne jamais oublier cet enseignement me semble salutaire.

Être Chat, lové dans les creux…

Ma superviseure m’y incite : «Valérie, il faut faire le chat !». Faire le chat pourrait consister à profiter du calme pour se rouler en boule, non loin du feu, et ronronner du plaisir de ne rien faire qu’être là, écoutant la musique que l’on aime, s’accordant à ses temps… jusqu’au retour de l’activité. Oisif, sans idée (arrêtée), sans projet, sans plan d’action! Attractive, la vie du chat !

Être Cheval, quand il faut…

Et au moment où l’activité repart (à point nommé, forcément !), recru des forces restaurées pendant ce repos obligé, lâcher toute son énergie dans la course, juste au moment où il faut le faire, sans anticipation, et en confiance dans ses ressources et sa capacité à les mobiliser, qu’il s’agisse d’aller au pas, au trot ou au grand galop, seul ou en attelage.

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Aucune de ces inspirations ne nous mettra sans doute à l’abri d’une déstabilisation future, qu’elle tienne de l’euphorie du sentiment de toute-puissance qui survient dans les pics, ou de la dépression à laquelle peut exposer le vide. Mais elles pourront nous aider à devenir un peu plus conscients de notre Ego, des croyances qu’il tisse à propos de tout, en nous les présentant comme de fines analyses des situations, et lucides sur les tours qu’il nous joue ainsi.

Renforcer cette capacité de conscience, et de confiance (car il se passe des choses dans les vides qui nourrissent les pleins), c’est le travail de toute une vie (la vie à l’œuvre ?), sous-jacent et connexe à la pratique de notre métier. Car si je ne suis ni ce que je fais, ni ce que je gagne, alors il faut aller trouver mon être ailleurs… Et la nouvelle saison s’y prête !

Valérie PASCAL