En coaching, et plus encore en executive coaching, il est fondamental de ne pas perdre de vue les objectifs formalisés et contractualisés au départ ; chaque séance doit contribuer à les atteindre. Cependant le coaché peut formuler une demande qui ne semble pas directement reliée à ces objectifs : que faire, alors, en tant que professionnels du coaching ?

Cette situation interroge la finesse de notre écoute : sommes-nous capables de distinguer entre une demande qui pourrait s’apparenter à une digression, voire à un évitement du travail de coaching, et une demande sur un sujet constituant pour le coaché une forme de préambule, situé dans une zone plus profonde, détour obligé pour le travail à suivre sur des sujets plus opérationnels ?

La première appelle une intervention de recadrage et de réorientation vers l’objet du coaching, tandis que la seconde invite à un accueil subtil du nouveau sujet introduit, susceptible de favoriser une séquence « exceptionnelle » par son effet sur l’avancée du client. Notamment parce qu’elle lèverait un frein sous-jacent mais majeur, débridant ainsi l’efficacité du processus d’accompagnement. C’est cette dernière que je souhaite évoquer ici.

Faire le tri entre essentiel et connexe

C’est non seulement le thème évoqué par le client, mais aussi la façon dont il l’exprime, qui peut nous mettre la puce à l’oreille. Lorsque surgissent dans l’expression du coaché des éléments étonnants (peut-être directement venus de son inconscient), il est important que nous puissions les entendre. Comment ? Voici quelques indicateurs susceptibles de nous alerter sur leur émergence dans la séance de coaching et de les identifier :

Du côté du coaché :

  • Expression d’un malaise fort qui lui est incompréhensible,
  • Verbalisation teintée de beaucoup d’émotions et d’intensité,
  • Déformation de ses modalités habituelles d’expression (rythme de la parole, timbre, expression faciale, gestuelle, respiration, position du corps…),
  • Irruption dans son vocabulaire d’un mot ou d’une expression « hors cadre » qui fait dissonance et semble « venu d’ailleurs »,

Du côté du coach :

  • Perception interne d’une résonance intense et incompréhensible (« dérangement »),
  • Développement d’une sensibilité aigüe et inhabituelle,
  • Apparition et développement puissant d’une hypothèse a priori décalée de ce qu’exprime le client,

Connaître ses limites

Dans ce cas de figure, lorsque ces indicateurs s’activent, il est plus que jamais important de nous souvenir de notre cadre déontologique et d’être conscient du fort risque de projection de notre part. C’est pourquoi il convient d’être particulièrement vigilant dans ce que nous partageons avec le client, à ce moment.

En effet, ni le cadre de notre travail (matérialisé par le contrat de coaching), ni nos compétences de praticiens du coaching, ne nous autorisent à plonger dans l’exploration active de l’inconscient du client, comme pourrait légitimement le faire un psychanalyste. Pour autant, il serait dommage de passer outre ces contenus. En effet, s’ils ont été évoqués par le client, c’est sans doute en raison d’un rapport avec son objet de travail majeur, et peut-être même rapport décisif, porteur de dénouement… Mais comment l’aborder en tant que coach ?

Entendre sans s’engouffrer

L’important est de trouver un moyen/une technique pour accueillir ces éléments sans les explorer plus avant. L’expérience m’a montré qu’il en existe un, simple et efficace : ne rien dire ! Autrement dit, être juste conscient de tout ce que nous percevons, rester au contact de ces manifestations parfois étranges. En somme, simplement écouter tous azimuts, ressentir, être en résonance, et laisser son esprit penser silencieusement… C’est suffisamment opérant.

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Pour affiner notre capacité de discernement sur ce sujet, il importe de coacher beaucoup, bien sûr, mais aussi d’exercer sans relâche la réflexivité sur nos façons d’intervenir. La confiance dans notre intuition s’en trouvera renforcée et nos repères déontologiques solidifiés, permettant ensemble de s’arrimer dans la pratique du coaching et de prévenir tout glissement vers de la psychothérapie sauvage. Ce sont, selon moi, des axes de travail toujours fructueux en supervision.