Tous les coachs professionnels ont certainement perçu, au fil de leur pratique, l’importance de trouver dans le cadre de leur supervision régulière une écoute complexe : c’est-à-dire une écoute qui décode différents niveaux de leur expression et tisse une trame, entrelacs d’innombrables fils. Ainsi, contenu et processus, bien sûr, mais aussi ce qui est dit et non-dit (émotions, sensations, métaphores…), reflets entre le système client et le système accompagnant, motifs qui se dégagent du contexte de l’intervention, croyances qui font écran à la perception des enjeux, etc. Fort heureusement, cet aspect est assez largement documenté et partagé par la profession. C’est pourquoi il me semble très important de valoriser ici un autre type d’écoute, au moins aussi décisif dans la supervision : l’écoute générative.

Cette écoute a été particulièrement bien décrite dans la Théorie U et, si elle n’est en rien spécifique à la supervision, elle y manifeste toute sa pertinence et sa puissance. Elle constitue l’aboutissement d’un processus d’approfondissement, où l’on change de niveau d’écoute comme on franchit des paliers.

Je ne m’attarderai pas sur le premier niveau, qualifié de « téléchargement », qui correspond en fait à un niveau zéro de l’écoute, dans lequel on n’entend que ce qu’on sait déjà. Gageons que cela n’a pas ou très peu sa place dans les fonctions d’accompagnement !

Dans cette espèce de plongée, le superviseur invite tout d’abord son client (le coach) à pratiquer une expression libre, sur laquelle se déploie son écoute complexe, ce qui invite le coach (l’écouté) à devenir lui-même conscient de ce qu’il est en train de dire (écoutant). Dans cette phase, le superviseur déploie les deux niveaux d’écoute suivants identifiés dans la théorie U : écoute factuelle (deuxième niveau) et écoute empathique (troisième niveau).

Après ces dernières, le superviseur peut s’engager dans le quatrième niveau : l’écoute générative. Cela suppose de sa part un double mouvement de concentration complète et de lâcher-prise profond. Là où il est alors, dans cet espace stable et ouvert, se détachant du niveau strictement technique, il peut partager avec le coach des intuitions et sensations, hypothèses venues de lui-même, mais qui ne constituent en aucun cas des projections personnelles, comme l’atteste l’accueil sans réserve du coach. En effet, elles sont davantage inspirées par le Soi que par le Moi (ou, dans la terminologie propre à la Théorie U, par l’Eco que par l’Ego). Le fait que le superviseur s’installe dans ce niveau d’écoute « qui parle », invite le coach à s’y engager à son tour et favorise l’émergence d’un dialogue génératif, dans lequel superviseur et coach vont explorer ensemble la situation, ses aspects les plus subtils, notamment les plans émotionnels, sensitifs et symboliques, dans une totale ouverture. Sur cette base, le retour à l’analyse rationnelle et à la recherche des actions que le coach souhaitera mettre en œuvre sera d’autant plus riche et créatif.

Le fait de vivre, en tant que coach, les effets profondément pertinents et inspirants de ce type d’écoute constitue selon moi un des leviers majeurs du caractère extrêmement professionnalisant de la supervision régulière. En ce qui me concerne, en tous cas, cette expérience, déployée et approfondie à la faveur d’un travail mené dans la durée avec ma superviseure, a été et demeure déterminante dans mon développement et la stabilisation de ma posture, en tant que coach d’abord, puis en tant que superviseure où, en raison de tout ce qu’elle m’a apportée et continue de m’apporter, il me tient à cœur de la proposer et diffuser.

Pour en savoir plus sur la théorie U, vous pouvez consulter la source : The presencing institute