Les différentes instances représentatives du coaching en France sont généralement d’accord sur le fait que les coachs doivent se former tout au long de leur vie professionnelle.

Le postulat soutenant cette prescription est que cette dynamique d’apprentissage évite de se figer dans des pratiques qui deviendraient obsolètes faute d’être interrogées, permet de se nourrir des découvertes régulièrement effectuées dans le vaste champ des sciences sociales, enfin contribue à affiner notre pratique, en nous fournissant une gamme élargie de grilles de lecture et de techniques d’intervention.

Tout ceci devrait donc nous rendre de plus en plus pertinents et impactants dans nos accompagnements, tout en augmentant notre valeur ajoutée auprès de nos clients. Mais cette invitation à la formation tout au long de la vie peut aussi générer des effets paradoxaux car elle simplifie une problématique complexe : le développement des compétences ne pouvant se limiter à un empilement mécanique de contenus toujours renouvelés…

Se former pourquoi ? Clarifier notre intention

En matière de formation, compte en premier lieu notre motivation personnelle. Or, elle peut varier d’un coach à l’autre. Il nous faut donc identifier nos moteurs d’apprentissage :

  • Nous formons-nous pour des raisons externes ? Afin de pouvoir attester que nous le faisons (en vue d’une accréditation, par exemple), de rassurer nos clients, de nous conformer à un usage ou une prescription au sein de notre communauté professionnelle, ou pour faire des rencontres et étoffer notre réseau ?
  • Nous formons-nous pour des raisons internes ? Afin de progresser, de nous enrichir, de nous tenir en éveil, de secouer nos habitudes, de donner des impulsions à notre pratique, de proposer de nouvelles prestations ? Ou encore pour renforcer notre confiance en nous-même et notre sentiment de légitimité ?
  • Enfin considérons-nous la formation comme un investissement ou au contraire comme une charge ?

Autant de questions utiles pour éclairer le choix d’une nouvelle formation.

Se former comment ? Construire un parcours sur-mesure

A chaque étape de son parcours, tout coach doit évaluer à la fois ses acquis et ses manques en termes de posture, de savoir-faire ou de techniques, mais aussi veiller à articuler les différents savoirs qu’il veut agréger.

En effet, chacun d’entre nous peut capitaliser sur des savoirs et savoir-faire antérieurs à sa pratique du métier de coach et cela oriente largement le champ des apprentissages complémentaires qu’il ou elle a intérêt à réaliser : un ancien directeur commercial ou un DSI n’aura pas les mêmes besoins qu’un ex formateur ou un psychothérapeute. De plus, la nature des premiers apprentissages structurants réalisés en tant que coach sur-déterminera les besoins qui apparaîtront plus tard.

C’est pourquoi il n’existe pas un parcours de professionnalisation prédéfini et universel : à l’instar de beaucoup de choses dans l’activité de coaching, il s’agit de concevoir des itinéraires sur-mesure, loin des autoroutes de la formation, avec leurs fléchages prescriptifs, leur vitesse réglementée, leurs aires de repos balisées et leurs espaces de restauration rapide accolés aux stations-services…

Identifier ses formations à venir, leur contenu, leur fréquence et leur ordre participe de la construction d’une identité professionnelle ; or, celle-ci est toujours singulière. Et ces choix imposent parfois d’assumer une forme de solitude… Car rien ne dit que les modes qui se manifestent aussi dans le grand marché de la formation soient les meilleures conseillères pour guider les praticien.nes dans leur propre édification professionnelle…

Se former à quoi ? Identifier nos besoins singuliers

Construire patiemment notre parcours de formation, sur toute une vie d’exercice de l’activité de coaching, nous invite à développer graduellement deux capacités décisives :

  • La lucidité sur nos leviers d’apprentissage. Certains d’entre nous apprennent principalement par l’interaction avec des pairs, d’autres par la réflexion sur des situations vécues, d’autres encore par des lectures solitaires…
  • La pertinence dans l’auto-évaluation graduelle de nos besoins, manques et axes de développement.

Une partie de ce travail de renforcement s’effectue en supervision, espace heureux d’un processus dynamique, à la faveur duquel nous avons l’opportunité d’apprendre « tous azimuts » et continûment, à tous les stades de notre développement.

Se former à quel rythme ? Gérer la déstabilisation de l’apprentissage

« Le mieux est l’ennemi du bien », dit-on. On pourrait ajouter : « le trop menace le juste ». Personnellement, je crois qu’en formation aussi il existe une sorte de principe de « sobriété heureuse ». D’ailleurs, l’accumulation d’enseignements guère articulés et parfois mal assimilés peut ne pas suffire à stabiliser la posture professionnelle de certains coachs, et provoquer une sorte d’éparpillement, au lieu de construire une solide colonne vertébrale qui les relie et les potentialise.

Certains objecteront qu’apprendre ne peut jamais nuire… C’est pour partie vrai, mais n’oublions pas pour autant que :

  • Accueillir de nouvelles méthodes, découvrir de nouveaux concepts, mobiliser de nouvelles techniques ou outils suppose un travail préalable de déconstruction. Il faut souvent commencer par lâcher des savoirs antérieurs pour pouvoir en accueillir de nouveaux et les mettre en œuvre ensemble.
  • Certains référentiels s’avèrent peu compatibles entre eux. Ils procèdent de visions du monde éloignées. Les assimiler nécessite un travail de réflexivité poussé et un renforcement du discernement qui permet au praticien aguerri de savoir quelle approche mobiliser ou pas, en intelligence de situation (c’est-à-dire au cas par cas, en fonction de lui-même, du client et de sa problématique).

Se former constamment risque de provoquer une déstabilisation (certes temporaire) des modalités d’intervention. C’est pourquoi il importe aussi parfois de s’autoriser à suspendre son processus de formation de façon à prendre le temps d’intégrer pleinement ses derniers apprentissages, de laisser une sorte de sédimentation s’opérer, avant de s’orienter vers de nouvelles découvertes.

Se développer toujours : Apprendre en toutes circonstances

Mais la formation proprement dite ne constitue pas l’alpha et l’oméga du développement d’un individu, ni même d’un professionnel.

En ce qui concerne les coachs, la compétence d’écoute peut par exemple s’affiner grâce à des activités très différentes : apprendre à distinguer une symphonie de Beethoven et de Schubert, le saxophone de John Coltrane et de Stan Getz, ou le chant d’un merle de celui d’un rossignol est une autre façon de l’affiner, et de l’approfondir.

Enfin, certains aspects de notre professionnalisation (conscience de soi, réflexivité, capacité méta…) ne se travaillent pas essentiellement sur le plan technique. De ce fait, leur renforcement passe moins par de la formation que par des expériences de vie, des conversations, des rencontres, des ruptures, des voyages et, bien sûr, par certains dispositifs réflexifs spécifiques (que l’on peut trouver dans le champ de la thérapie, dans la supervision, dans certaines expériences de groupe, ou dans certaines pratiques spirituelles, notamment).

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Alors formons-nous régulièrement, transformons-nous continûment, oui, mais par nos propres chemins, choisis en conscience, hors des injonctions et des modes. Au lieu de chercher à nous métamorphoser, accordons-nous le temps de nous développer tranquillement, avec confiance.

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