Avez-vous vu « Coupez ! », la comédie de Michel Hazanavicius, sortie en 2022 ? Ce film, qui a tout d’une météorite, me fait l’effet d’une puissante métaphore de ce que signifie l’intelligence collective et, à ce titre, d’une fable moderne très inspirante pour les managers et dirigeants. (Avertissement : il faut impérativement persévérer au delà des 30 premières minutes pour comprendre de quoi il s’agit !)

Il montre en effet de façon comique les trésors d’intelligence et de débrouillardise que des personnes s’avèrent capables de mobiliser pour faire advenir ce qu’elles aspirent à réaliser, nécessairement ensemble. Ici, du cinéma. Tout sera mis en œuvre par ce qui est dès lors une équipe, toutes les solutions seront trouvées, in extremis, aux innombrables obstacles de tous ordres qui se mettront en travers du projet collectif qu’est ce film. Pourtant, l’affaire semble dès le début plus que compromise…

Mais ce qui est le plus troublant dans cette comédie, c’est que le film en question est un navet, ce dont tout le monde est conscient. Pourtant, cela n’empêche pas l’ensemble de l’équipe (acteurs, réalisateurs, techniciens) de vouloir à tout prix mener à son terme l’aventure de sa création (avec la pression d’une diffusion en direct, sans filets).

Un peu comme si, nous, les humains, étions animés par un irrépressible besoin de création et d’action collective, et que nous cherchions à l’assouvir par n’importe quels moyens, en en inventant au besoin. Comme si le but importait peu ou pas, et que seule comptait vraiment la mobilisation collective vers lui. Cette fédération des intelligences, se suscitant les unes les autres, qui abolit les distances entre les individus. La guerre, qui reprend d’ailleurs du poil de la bête ces temps-ci, constitue parfois un but bien commode. L’action stérile, dépourvue de sens, la destruction sous toutes ses formes en sont d’autres, hélàs très courants.

Pourtant, nous pourrions choisir d’orienter toutes nos réserves d’énergie, d’intelligence et de capacité de coopération au service d’une véritable grande cause, porteuse de création, de réparation. L’état actuel de la planète et les perspectives de son évolution dans les prochaines décennies nous poussent malheureusement vers d’innombrables pistes d’actions positives nécessitant la mobilisation de collectifs de toutes natures. Dans les organisations, d’innombrables chantiers pourraient être ouverts dès à présent pour amorcer la transformation profonde de nos modèles de pensée, de financement, de production et de consommation. Autant d’occasions d' »être ensemble », expression puissante si elle n’était pas si galvaudée.

En cette fin d’année, je veux croire que nous nous en saisirons. A défaut de quoi, nous risquons de nous découvrir très vite, nous aussi, acteurs d’un mauvais film de morts-vivants, avec beaucoup trop d’hémoglobine (en référence au prétexte de « Coupez ! »). Ce serait vraiment dommage, non ? Après tout, nous sommes des êtres intelligents et adaptatifs…