Je vous propose une réflexion sur le changement auquel nous contribuons dans les organisations où nous intervenons. Je suggère de distinguer trois volets sur ce sujet :
- Le premier, objectif, relève du type de demandes qui nous sont adressées par nos clients,
- Le deuxième, plus subjectif, renvoie à nos aspirations personnelles et à notre rapport au changement,
- Le troisième se centre sur la façon dont nous conscientisons et gérons les éventuels écarts entre les deux, et dont nous parvenons (plus ou moins bien) à nous aligner individuellement.
1 – La demande des clients
Lors de la phase de brief et d’analyse de la demande de nos clients, nous percevons assez rapidement l’ambition de changement du commanditaire, en la situant sur deux axes.
L’axe horizontal : la taille du périmètre d’intervention
La première dimension, la plus facilement repérable, concerne le périmètre du changement recherché.
Il peut s’agir d’un périmètre « micro ». C’est le cas notamment en coaching individuel. Encore que, selon la fonction occupée par la personne coachée, un changement de comportements, d’attitude ou de posture, opéré à la faveur du coaching, n’aura pas du tout le même impact sur le reste de l’organisation.
Il peut s’agir d’un périmètre « méso ». C’est notamment le cas avec les demandes de coaching d’équipes, y compris d’équipes de direction.
Et enfin, il peut s’agir d’une demande de changement « macro », avec les missions de coaching d’organisation (le périmètre concerné étant alors soit celui de l’entreprise dans son intégralité, soit celui d’une entité, division ou « BU » de taille importante).
La taille du périmètre de l’intervention visé donne une première indication de l’amplitude du changement attendu par l’organisation. Bien sûr, plus le périmètre est large, plus on peut supposer que l’intention réformatrice est forte. Mais, cette supposition doit être vérifiée en examinant la 2e dimension…
L’axe vertical : l’intensité du changement attendu
Si on simplifie les choses à outrance, on peut considérer qu’il existe deux grandes familles de demandes, du point de vue de l’intensité du changement attendu ou prescrit :
- La première rassemble des demandes de « conservation » dans lesquelles il s’agit de consolider, ou de rétablir, l’homéostasie du système pour le maintenir dans un état considéré comme satisfaisant, qui pourrait s’éroder.
- La seconde rassemble des demandes d’évolution du système, dans lesquelles les commanditaires distinguent bien l’état initial d’un état futur désiré, mais pour lesquelles on peut pour autant observer une ambition de changement variable, allant de la légère évolution à la transformation radicale. Cette dernière englobera le plus souvent des aspects organisationnels et fonctionnels (process, etc.), des aspects humains (changements dans l’équipe de direction), mais aussi des aspects culturels (posture, pratiques, attitudes, voire langage…)
Avec l’expérience, nous apprenons à repérer certains mots-clés dans l’expression des commanditaires, mais aussi à capter le « sous-texte » : dans certains cas, les mots employés ne cadrent que partiellement avec ce qui est effectivement demandé… Différencier l’explicite et l’implicite constitue une part importante du travail d’analyse de la demande, dont il est trop peu question dans les échanges entre coachs, d’après moi…
Il me semble très intéressant pour chacun des professionnels que nous sommes de se livrer régulièrement à une analyse des demandes que nous adressent nos clients, de façon à repérer quelques tendances. En effet, celles-ci nous renseignent sur l’image que nos interlocuteurs ont de nous et sur la façon dont ils nous perçoivent comme une ressource utile pour atteindre leurs objectifs. Ce qu’ils projettent sur nous, avec une intention d’instrumentalisation ou pas…
Personnellement, j’aime bien utiliser ce schéma pour calibrer la demande de mes clients :
Et vous :
- Où vous situez-vous sur ce schéma ?
- Sur quoi vos clients vous sollicitent-ils le plus souvent ?
- Avez-vous le sentiment qu’ils vous interpellent au « bon » niveau ou au « bon » endroit ?
2 – Nos aspirations personnelles
Une fois cette analyse réalisée, nous pouvons examiner le deuxième aspect de notre contribution au changement : celui de nos propres aspirations personnelles. Car, il faut bien le reconnaitre, malgré la recherche de neutralité qui fonde nos interventions, nous sommes avant tout des sujets désirants, cherchant à se réaliser dans leur travail. Et bien sûr, nous n’avons pas tous la même appétence pour le changement.
Identifier son style personnel et son rapport au changement
On touche là à une dimension presque « politique », au sens où elle convoque nos valeurs et nos propres représentations du monde.
Ainsi, certains coachs ont un style que l’on pourrait qualifier de « militant », car reposant sur une envie ou même un besoin de contribuer à du changement dans les organisations dans lesquelles ils interviennent. Ces coachs-là seront bien sûr beaucoup plus à l’aise s’ils répondent à des demandes de changement important. Sinon, ils devront vivre la frustration et les complications inhérentes au fait de vouloir davantage que son client et de se surprendre à tirer dans un sens au lieu d’être simplement à ses côtés…
A l’inverse, d’autres coachs pourront, eux, avoir une appréciation satisfaisante de l’état du monde, de la situation des organisations et ne pas souhaiter prendre part à des actions de changement profond, bien au contraire. De ce fait, ils seront tout à fait à l’aise avec des missions de restauration de l’homéostasie du système et de conservation de ses dynamiques profondes/habituelles. A contrario, se trouvant « embarqués » dans une mission de transformation, ils risqueraient de connaître le trouble et l’inconfort de se voir freiner leur client !
En ce qui vous concerne :
- À quelle famille de coachs appartenez-vous ?
- Comment cela influe-t-il sur la façon dont vous vous sentez durant la réalisation des missions que vous prenez en charge ?
- Vous arrive-t-il d’éprouver un malaise par rapport à certaines de ces missions ?
3 – Notre alignement personnel
Mesurer son niveau d’alignement
Selon la réponse que nous apportons à ces questions, nous aurons un sentiment d’alignement fort ou faible.
Un écart entre nos aspirations profondes d’une part, les représentations que nous avons du fonctionnement de nos sociétés et des organisations d’autre part, mais aussi notre besoin d’utilité, peut nous conduire à une tension interne pénible à court terme et potentiellement dommageable pour notre santé physique et mentale à plus long terme. Il est donc très important de faire cette mise au point régulièrement et de tenter d’en tirer toutes les conclusions qui s’imposent… Ce qui n’est pas chose aisée !
Faire évoluer son positionnement
Cela nous conduit en effet à la question très importante de l’écosystème dans lequel nous évoluons et des actions à mettre en place pour nous repositionner en tant que professionnels, si c’est nécessaire, sur des segments de marché plus en phase avec nos valeurs, nos aspirations et (n’ayons pas peur du mot) nos idéaux.
Ce travail est, certes, complexe et ardu, mais dans la situation qui est la nôtre (je fais ici référence aux multiples crises qui fragilisent notre société), il en vaut vraiment la peine.
Comment se re-positionner, éventuellement en dehors du « mainstream » du marché de l’accompagnement, sans fragiliser son modèle économique, mais en respectant davantage son « socle culturel » ? Telle me semble être la question centrale pour les coachs qui éprouvent le besoin d’un meilleur alignement.
En ce qui vous concerne :
- Cette problématique vous parle-t-elle ?
- Êtes-vous prêt-e à l’explorer ?
Si c’est le cas, n’hésitez pas à me contacter. La supervision – individuelle ou collective – est un bon dispositif pour s’y atteler…
Bel automne à vous !