Il existe une assez grande littérature professionnelle sur les enjeux inhérents au cadrage, dans les configurations tri ou quadripartites spécifiques à l’Executive Coaching. Mais le thème du bilan de fin de coaching me semble assez peu traité ; or, cette étape constitue un moment clé de l’accompagnement qu’il clôt, durant lequel les enjeux institutionnels sont très fortement activés.

Alors, comment bien boucler un Executive Coaching, avec les parties engagées dans sa contractualisation, à savoir le coaché bien sûr, mais aussi son patron, et le représentant de la fonction ressources humaines ?

Piloter le processus de coaching jusqu’à son terme

Bien évidemment, il est nécessaire d’arriver à la réunion de bilan en ayant permis au coaché d’atteindre les objectifs fixés au départ. (Ce qui renvoie à l’importance tout à fait cruciale de les avoir bien définis en amont, de même que les indicateurs de réussite qui leur sont associés). Tout au long des séances, il est donc important de garder le cap défini au départ et de s’assurer que des avancées significatives et régulières sont réalisées par le coaché. Mais comment en juger ?

C’est là le cœur du problème : car travaillant uniquement avec le manager accompagné, le coach risque de ne disposer que d’une vue partielle (et sans doute partiale) de la réalité et de manquer d’informations sur la perception par les autres parties des progrès réalisés par celui-ci. Or, il convient d’accorder une importance toute particulière à l’appréciation du N+1, qui attend souvent beaucoup du coaching de son collaborateur, sans pour autant l’exprimer, ni intégralement, ni explicitement, de façon spontanée…

De ce fait, la question opérationnelle du coach devient : comment intégrer habilement la perception du N+1 dans la conduite du coaching afin d’éviter (pour son client comme pour lui) les mauvaises surprises lors de la réunion de bilan ?

Intégrer le point de vue des autres acteurs du système dans le travail avec le coaché

Un peu de technique

Voyons d’abord ce qui peut être inclus dans le processus de travail le plus courant :

  • Prévoir un point tri ou quadripartite à la mi-parcours pour faire une évaluation à date, faciliter l’explicitation des perceptions des avancées réalisées et se mettre d’accord sur les points à travailler durant la seconde partie de la mission,
  • Ou à défaut, recommander au coaché de faire ce point en bilatéral avec son N+1 (voire avec le RRH) et d’aller chercher un feed-back précis quant aux objectifs contractualisés en amont,
  • Ou à défaut, évoquer systématiquement le N+1 dans les échanges avec le coaché en l’interrogeant sur ce que lui dit son patron, au fil de l’eau, via des messages parfois peu explicites, qui pourront être mieux décodés en séance avec le coach …
  • Ou à défaut, l’inviter à faire des suppositions sur les perceptions que son patron pourrait avoir de ses propres avancées, depuis la place singulière qui est la sienne, en l’absence complète de feed-back de celui-ci…
  • Voire, enfin, formuler soi-même des hypothèses sur les possibles perceptions du N+1 et les proposer au coaché comme matériau de réflexion.

Un point de vigilance

Évidemment, notre déontologie nous interdit d’aller questionner directement le prescripteur ou le donneur d’ordre sur son évaluation de l’avancée du coaché, car nous ne devons pas nous substituer à ce dernier, mais simplement l’aider à élargir son champ de perceptions et à renforcer sa capacité à se mettre à la place d’autrui pour regarder la réalité autrement.

Un exercice d’équilibre

Bref, ce qui compte en Executive Coaching, c’est de ne jamais oublier le « système client » dans sa complexité : en effet, le coaché a toujours un patron et un DRH, et ces derniers, en tant que commanditaires du coaching, peuvent en attendre un effet qui ne coïncide que partiellement avec ce que le coaché peut en espérer pour lui-même. De la même manière, le coaché a souvent une équipe, des collaborateurs, et ceux-ci ont encore un point de vue différent du sien, qu’il faudra aller explorer pour éviter de laisser le coaché aux prises avec un angle mort bien dangereux.

Précisons qu’il ne s’agit pas d’inféoder le coaché au regard de tiers (quels qu’ils soient), mais de l’inviter à une pratique de décentration tout à fait saine et salutaire, surtout pour un dirigeant. En effet, la conscience de soi et de la façon dont on peut être perçu par autrui s’avère une compétence clé du leadership.

La valeur ajoutée du coaching réside d’ailleurs souvent dans la prise de conscience par le coaché des écarts de points de vue et de sensibilités, de représentations ou de croyances, et même parfois de valeurs, et à leur intégration dans ses réflexions, en vue de développer sa capacité d’intégration et son pouvoir d’influence dans son environnement de travail.

Aller au-delà du travail de deuil et de séparation

De nombreux coachs sont très focalisés sur cette dimension de fin du coaching, compte tenu des résonances émotionnelles qu’elle peut comporter, tant chez le coaché que chez le coach. Cet aspect ne doit bien sûr pas être négligé ; mais, dans la perspective qui nous occupe ici, il faut insister sur un point : la gestion de ce qui peut s’apparenter à un processus de deuil et de séparation, préalable indispensable à la pleine autonomie du coaché, doit précéder le temps de bouclage institutionnel. C’est pourquoi il est utile de la mener durant la dernière séance, en bilatéral, de sorte que la séparation sera « consommée » lors de la réunion de bilan et que le coach pourra alors s’y positionner en tant que tiers.

Par ailleurs, le coach a intérêt à considérer la réunion de bouclage tout autant comme un exercice d’évaluation que comme un exercice de communication, présentant une dimension un peu théâtrale (unité de temps et de lieu), au cours duquel toutes les prises de parole du coaché seront appréciées à l’aune des objectifs initiaux. Cela peut nécessiter une préparation spécifique de ce dernier…

Développer et affûter des compétences spécifiques à l’Executive Coaching

Tout ceci fonde la particularité de l’Executive Coaching et contribue à la complexité de cette pratique. En effet, il faut à la fois :

  • Créer une solide alliance avec le coaché et se mettre pleinement au service de l’atteinte de ses objectifs,
  • Ne jamais oublier que le système comporte d’autres acteurs, avec d’autres perceptions et d’autres points de repère que ceux du coaché,
  • Sans jamais déroger à l’engagement de confidentialité et à la recherche de l’autonomie du coaché qui sont au cœur de notre pratique.

Cela requiert pour le coach une posture de vigilance sur l’ensemble de ces tensions et de leurs points d’équilibre, mais aussi sur le développement d’aptitudes bien particulières, notamment :

  • Capacité à travailler dans une logique d’objectifs avec le souci de répondre des effets produits,
  • Capacité de loyauté et de distanciation,
  • Capacité d’intégration symbolique des « tiers qui comptent » dans le travail avec le coaché,
  • Capacité à veiller à ne jamais faire perdre la face à aucun des acteurs en présence.

Cela fait de l’Executive Coaching une pratique complexe, dans laquelle des réglages subtils et toujours inédits doivent être opérés tout au long des missions. D’où l’importance du dispositif de supervision qui permettra au coach de les conscientiser et de les affiner.